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  • Victoria Afanasyeva

De l'Association contre l'abus des boissons alcooliques à l'Association Addictions France

Dernière mise à jour : 15 janv.

Presque 150 ans d'histoire - un complément à l'histoire officielle - consulter.


Association contre l'abus des boissons alcooliques

À la fin de l'année 1871, l'opinion publique française, stimulée notamment par des discours des membres de l'Académie de médecine, fait le procès à l'alcoolisme. Elle l'accuse de la défaite dans la guerre franco-prussienne et des débauches de La Commune. Le moment semble enfin propice pour répondre aux appels du mouvement transnational antialcoolique pour commencer le combat en France. Ainsi, des hommes savants, principalement des médecins, conçoivent l'Association contre l'abus des boissons alcooliques : sa création est actée lors d'une séance de la commission d'organisation, le 2 mars 1872.

Contrairement aux informations que l'on trouve dans son bulletin, l'Association n'est pas le premier groupement de ce type en France. Une Société de Sobriété a été fondée à Amiens en juin 1835, mais n'a duré que quelques années. C'est en octobre 1870 - en plein siège de Paris - qu'une Société Patriotique de Tempérance voit le jour, tandis que le 6 janvier 1872, l'Association française contre l'abus du tabac, fondée en 1868, change de nom pour témoigner de l'ouverture de son action et devenir l'Association française contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques.


Société Française de Tempérance

Pour mettre fin à d'éventuelles confusions avec l'Association anti-tabac, l'Association antialcoolique vote le changement de son nom le 2 avril 1873 : elle devient la Société [Française] de Tempérance. Très vite, la direction dépose la demande de reconnaissance de l'association "comme établissement d'utilité publique", mais celle-ci est rejetée en août 1874. La Société Française de Tempérance est reconnue d'utilité publique le 5 février 1880.

Très médiatisée mais peu populaire, l'association a failli péricliter au début des années 1890, mais a pu renaître, se transformer et se renforcer vers 1895 - c'est le début de la "Belle Époque de l'antialcoolisme".


Ligue Nationale contre l'alcoolisme

À partie de 1895, la Société Française de Tempérance commence à utiliser un deuxième nom, celui de la Ligue Nationale contre l'alcoolisme. Or celui-ci n'est officiellement acté qu'aux termes du Premier Congrès national contre l'alcoolisme, en octobre 1903 :

Le Congrès [...] émet le vœu que les sociétés antialcooliques se groupent, pour la défense de leurs intérêts communs et l’orientation générale de leur action, autour de leur Doyenne, la Société Française de Tempérance, plus connue depuis quelques années sous le nom de Ligue Nationale contre l’alcoolisme [...].

La restructuration de la Ligue Nationale contre l'alcoolisme se termine vers 1905. Cette année marque la fin d'une longue et douloureuse fusion de la "Doyenne" avec la jeune Union Française Antialcoolique de Paul-Maurice Legrain, la disparition de celle-ci et de son bulletin, ainsi que l'arrêt du bulletin de la Société Française de Tempérance. En janvier 1906, le mouvement antialcoolique français voit naître L'Étoile Bleue, qui se présente comme bulletin de la Ligue Nationale contre l'alcoolisme.


Comité National de Défense contre l'Alcoolisme

La Seconde Guerre mondiale ne constitue de rupture ni pour la Ligue Nationale contre l'alcoolisme, ni pour le mouvement antialcoolique français en général. C'est au moment de passer à la seconde moitié du XXe siècle que le conseil d'administration de la Ligue décide de forcer la transformation, appelant la France à "intensifier la propagande pour la porter au niveau du danger que l'alcoolisme fait au Pays". Le 15 décembre 1949, l'assemblée générale de la Ligue vote à l'unanimité le changement de nom pour le Comité National de Défense contre l'Alcoolisme.


Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme

Le 26 mai 1984, l'assemblée générale extraordinaire vote, une fois de plus, le changement de nom. Comme il est expliqué dans le bulletin du Comité National de Défense contre l'Alcoolisme, deux facteurs majeurs rendent cette nouvelle modification indispensable. D'abord, afin que les structures puissent bénéficier des dispositions de la loi de 1901, elles doivent être "bien des associations et rien d'autre". D'autre part, le mot "défense" est jugé mal placé :

[...] ce terme de défense est mal accepté surtout par les jeunes générations de nos adhérents et de nos collaborateurs salariés. Il implique une attitude de retrait signifiant que l'on attend que le mal soit fait pour commencer à s'en occuper. Ce qui va à l'encontre de toute conception moderne de la maladie, mais rejoint le vieux dicton : "il vaut mieux prévenir que guérir".

Par ailleurs, le contexte a beaucoup changé : la création, en 1954, du Haut Comité d'Études et d'Informations sur l'Alcoolisme marque non seulement le début de "l'antialcoolisme d'État" mais aussi le passage à la stratégie de prévention. Des travaux de médecins contribuent à la meilleure appréhension de la maladie, à la naissance de la discipline d'alcoologie et à la mise en place de nouveaux traitements et de structures spécialisées.


Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie

Annonce d'un nouveau changement de nom. Éditorial du numéro 3(sept)/2003 de la revue "Addictions".

Très peu de temps après sa transformation en Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme, la structure se croit de nouveau obligée de modifier son nom afin de s'adapter aux nouvelles réalités. Depuis les années 1970, l'avènement du concept d'addictions provoque de nombreuses controverses et de multiples débats, et l'association antialcoolique finit par l'adopter et par s'ouvrir à d'autres dépendances. En novembre 2002, elle devient l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie. Au passage, on remarque l'abandon du terme "alcoolisme" au profit du terme "alcoologie", et le remplacement de la revue Alcool ou Santé par un périodique plus "généraliste" Addictions.


Association Addictions France

En décembre 2020, l'Association annonce son évolution qui tend encore davantage vers la prévention des addictions. Elle déclare vouloir "améliorer la santé de tous et toutes en agissant sur toutes les addictions" et s'adapter aux outils numériques avec la nouvelle identité visuelle. Ce changement arrive à la fin de la décennie où toutes les associations existantes basculent vers le numérique, suspendant leurs publications périodiques définitivement ou les limitants aux versions électroniques. Une nouvelle association Addict'elles (voir sa page Facebook), se positionnant comme association 2.0, est un exemple flagrant de cette évolution. De l'autre côté, les addictions finissent par prendre l'avant de la scène et englober d'autres maladies : la nouvelle identité et le nouveau nom de l'Association Addictions France écartent tout rapport à l'alcoolisme.

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