Journaliste, féministe, écrivaine, philanthrope et antialcooliste.
Adrienne Avril de Sainte-Croix (10/02/1855, Carouge/Genève – 21/03/1939, Menton) est bien connue des spécialistes de l'histoire des féminismes et du journalisme féminin*. Son engagement antialcoolique est jusqu'alors passé sous silence.
Épisode 1, “Les congrès antialcooliques”
Journaliste dans La Fronde, quotidien féministe, Adrienne Avril de Sainte-Croix fait partie d'une commission chargée du service de presse du 7e congrès international antialcoolique, ayant lieu à Paris, du 5 au 9 avril 1899. Tous les jours, la journaliste remplit sa tâche et écrit un compte rendu par jour pour La Fronde, sous son pseudonyme Savioz. Le 10 avril, au petit amphithéâtre de l'École Médecine, elle assiste à la réunion constitutive de l'Union Française des Femmes pour la Tempérance (UFFT) : Savioz en rend aussi compte dans La Fronde, le 11 avril (p. 2).
Elle-même, Adrienne Avril de Sainte-Croix adhère à l'UFFT à ce moment-là. Puis le 10 février 1900, elle est élue membre du comité d'administration :
Les sources de l'UFFT ne permettent pas de savoir davantage sur son activité. Elle paraît assez limitée, compte tenu de multiples engagements professionnels et philanthropiques de la femme.
À la fin d'octobre 1903, Adrienne Avril de Sainte-Croix participe au Premier congrès national antialcoolique. Elle assiste à la session “Rôle de la femme”, où elle ouvre la discussion avec un petit rapport au nom du Conseil National des Femmes Françaises, dont elle est secrétaire générale. Dans son intervention, elle exprime tout le soutien que le Conseil apporte au mouvement antialcoolique.
Épisode 2, “Antialcoolisme de la Grande Guerre”
Quelques années après la disparition de La Fronde, c'est l'hebdomadaire La Française qui assure le rôle du principal périodique féministe. Pendant la Grande Guerre, La Française mène une vraie guerre contre l'alcool, et Adrienne Avril de Sainte-Croix y prend part. La "une" du numéro du 1er avril 1916 annonce ainsi un grand meeting des femmes contre l'alcool :
Afin de préparer son lectorat à l'événement, ce numéro de La Française propose plusieurs “avis de femmes et d'hommes éminents” sur l'alcool. Parmi eux, on trouve l'opinion d'Adrienne Avril de Sainte-Croix :
Convaincue du danger que représente pour la France l'alcoolisme chaque jour grandissant, je pense qu'aucune mesure, aussi radicale soit-elle, ne sera trop énergique pour combattre ce fléau. [...] Les femmes, les premières et les plus douloureuses victimes de l'alcool, ont reconnu le péril qu'il représente. Pour défendre leur foyer contre son influence néfaste, elles apporteront sans restriction leur concours à ceux qui le combattront. Elles ont terrassé le monstre ailleurs, elles le terrasseront en France également.
Lors du meeting du 2 avril, Adrienne Avril de Sainte-Croix fait une allocution sur des mesures préventives qu'il faut prendre pour combattre l'alcoolisme, notamment sur la lutte contre le taudis. En novembre de la même année, avec Julie Siegfried, elle se rend chez le Président de la République : au nom du Conseil National des Femmes Françaises, les femmes lui demandent de rétablir le décret d'octobre 1915, relatif à l'interdiction de la vente de l'alcool aux femmes et aux enfants.
Enfin, en 1916, Adrienne Avril de Sainte-Croix adhère à deux nouvelles associations antialcooliques : L'Union des Françaises contre l'alcool et l'Alarme. Bien que la journaliste reste membre du comité de direction de l'Alarme pendant six ans, sa participation à l'action des deux associations paraît assez limitée, comme en 1899-1900 pour l'Union Française des Femmes pour la Tempérance.
* Références :
CABANEL Patrick, NAQUET Emmanuel, “Adrienne-Pierrette-Eugénie Avril de Sainte-Croix (née Glaisette)”, in Patrick Cabanel, André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, tome 1 : A-C, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2015, p. 121-123.
OFFEN Karen, “La plus grande féministe de France. Mais qui est donc Madame Avril de Sainte-Croix ?”, Bulletin Archives du féminisme, n° 9, décembre 2005.
—————, “Madame Ghénia Avril de Sainte-Croix, the Josephine Butler of France”, Women’s History Review, vol. 17, n° 2, avril 2008.
—————, “La plus grande féministe de France : pourquoi a-t-on oublié l’inoubliable féministe internationale française Ghénia Avril de Sainte-Croix ?”, in Christine Bard (dir.), Les Féministes de la première vague, Rennes, PUR, 2015, p. 181-194.
—————, “Avril de Sainte-Croix G.”, in Christine Bard, Sylvie Chaperon (dir.), Dictionnaire des féministes. France XVIIIe-XXIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 2017, p. 104-110.
POUJOL Geneviève, “G. Avril de Sainte-Croix (1855-1939)”, in Un féminisme sous tutelle, Paris, Les Éditions de Paris, 2003, p. 192-193.
THÉRENTY Marie-Ève, Femmes de presse, femmes de lettres. De Delphine de Girardin à Florence Aubenas, Paris, CNRS, 2019, 400 p.
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