Le mardi 4 avril 1899, s'ouvre à Paris le VIIe Congrès international contre l'abus des boissons alcooliques. Cet événement marque l'histoire du mouvement antialcoolique en France et au niveau international. Par rapport aux Congrès d'Anvers (1885), de Zurich (1887), d'Oslo (1890), de La Haye (1893), de Bâle (1895) et de Bruxelles (1897), le Congrès de Paris regroupe les membres du plus grand nombre d'associations du monde entier et attire le plus de représentants officiels, de spectateurs et de journalistes. En termes numériques, les trois éditions suivantes - Vienne (1901), Brême (1903), Budapest (1905) - n'ont pas autant de succès, et ce n'est qu'en 1907 à Stockholm que les statistiques se rapprochent de celles de Paris.
Sous la présidence de Paul-Maurice Legrain, les travaux du Congrès de Paris durent cinq jours, du mardi au samedi, dans le grand amphithéâtre de la Faculté de médecine. Le programme général est organisé autour de trois grandes thématiques :
1 - Sciences médicales et hygiènes ;
2 - Économie politique et sociale. - Législation ;
3 - Enseignement. - Éducation. - Propagande.
Parmi les questions soumises aux Assemblées générales, on trouve la discussion du "rôle de la jeunesse universitaire dans la lutte contre l'alcoolisme", des "conditions du travail chez l'ouvrier", "d'une entente entre les États pour la protection des races indigènes" ou bien "de la lutte antialcoolique dans l'armée et par l'armée".
Deux conférences sont proposées au grand public :
1 - "Du rôle de la femme dans la lutte antialcoolique", par la présidente de la Société des femmes danoises pour la tempérance Elise Selmer.
2 - "Le clergé et les ministres des divers cultes dans la lutte contre l'alcoolisme", par l'évêque de Nancy Monseigneur Turinaz et le pasteur Louis-Lucien Rochat.
Le lundi 10 avril, après le clôture officiel du congrès mais en présence de nombreuses déléguées encore à Paris, une réunion féminine a lieu pour former la première association antialcoolique des femmes en France - l'Union Française des Femmes pour la Tempérance, avec Maria Legrain comme présidente.
L'intérêt de la presse française pour le Congrès antialcoolique est vif. Certains quotidiens publient des comptes rendus à l'issue de chaque jour de discussions, d'autres périodiques ne diffusent que des résumés plus ou moins développés de l'événement ou des extraits de discours particuliers.
Le président du Congrès, Paul-Maurice Legrain, analyse très pertinemment le rôle que cette médiation joue dans la popularisation de l'antialcoolisme :
La Presse a rendu un grand service à notre Congrès mais elle peut être sûre qu'en vulgarisant nos travaux, elle n'a pas rendu un moindre service à l'opinion publique, à cette heure où dans notre pays les consciences sont oppressées. Je crois qu'elle a compris qu'en menant un certain bruit autour d'une cause qui a un caractère vraiment national, elle opérait une heureuse diversion. Notre Congrès a été, pour les penseurs, pour les citoyens nombreux qui souffrent cruellement de la situation présente, une trêve utile.
À la fin de cette citation, Legrain fait allusion à l'affaire Dreyfus qui ne cesse de bouleverser la France.