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  • Victoria Afanasyeva

Alcool - problème de définition / définition de problème

Dernière mise à jour : 5 juin 2020

Au fil des années, la définition du mot "alcool" a évolué.


Aujourd'hui, sous ce mot on entend "éthanol contenu dans certaines boissons telles que le vin, la bière, les spiritueux" (Académie 9e édition). Selon wikipedia, "alcool" est synonyme de "boisson alcoolisée/alcoolique", et sur certaines étiquettes des bouteilles de bière, on trouve des mentions "1 unité alcool", "1,2 unité alcool", etc., en fonction de la quantité d'éthanol contenue dans la boisson.


1. Alcool - poison

Carte postale, s.d. Delcampe, boutique de l'utilisateur ranas.

À la fin du XIXe - début du XXe, la plupart des scientifiques divisent toutes les boissons alcooliques en bonnes et mauvaises (voir l'analyse de l'image "Alcool voilà l'ennemi" par Myriam Tsikounas). Les "bonnes" sont les boissons fermentées : le cidre, le poiré, la bière et le vin. Elles sont également appelées "naturelles" et "hygiéniques" et opposées aux boissons distillées ainsi qu'aux apéritifs, amers et liqueurs. Pour simplifier, on commence à appeler ces dernières boissons "alcool".

Le vin n'a pas de plus grand ennemi que l'alcool. Partout où l'on consomme celui-ci, on boit moins du premier. Il existe certains départements où l'on boit plus d'eau-de-vie dans l'année que de vin. Aussi a-t-on pu dire que l'alcool chasse le vin. (J. Baudrillard, Livret d'enseignement antialcoolique, éd. [1901], p. 10)

2. Alcool - ennemi de l'intérieur

Charles Mathiot, Une croisade, Paris, Flammarion, 1918.
Charles Mathiot, Une croisade, Paris, Flammarion, 1918.

Pendant la Première Guerre mondiale, deux processus viennent renforcer cette dichotomie. D'une part, une série de mesures législatives prises à partir de 1915 épargne les boissons fermentées. Ainsi, pour protéger de l'alcoolisme les Françaises et les Français, au front et à l'arrière, la loi du 9 novembre 1915, relative à la réglementation de l’ouverture de nouveaux débits de boissons, exige-t-elle de nouveaux établissements de respecter la condition de ne pas servir d'alcools dépassant les 23° aux mobilisés, aux femmes et aux mineurs de moins de 18 ans, mais ne restreint nullement la vente et la consommation des boissons au-dessous des 23° et ne limite pas le fonctionnement de débits existants.

D'autre part, la "héroïsation" du vin analysée récemment par Charles Ridel, rend cette boisson intouchable. D'autres boissons fermentées le deviennent aussi par rebond. Par conséquent, à partir de 1915, le mot "alcool" est de plus en plus utilisé dans le sens "toutes les boissons alcooliques à l'exception de boissons fermentées". Le nom de l'Union des Françaises contre l'alcool, fondée en 1916, est un bel exemple de l'affirmation de cette acception.

Dans le contexte de la guerre, on dénomme l'alcool comme "le boche de l'intérieur".


3. Santé - sobriété



Depuis le milieu du XXe siècle, grâce aux publications scientifiques, la France se rend très progressivement à l'évidence que toutes les boissons alcooliques - fermentées et distillées - contiennent de l'alcool-éthanol et que toutes sont potentiellement nuisibles. Après une campagne très décriée "Un verre ça va, trois verres - bonjour les dégâts" (1984), le ministère de la Santé introduit une nouvelle variable - unité d'alcool :

Pour éviter les sempiternelles conversations de comptoir sur l'alcool, ses méfaits et la résistance présumée des uns et des autres, le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, et ses services ont décidé de mettre en avant, non plus des "verres", mais des "unités d'alcool". "Que l'on boive une chope de bière, une flûte de champagne, un verre de porto ou un verre de vin, la consommation d'alcool est la même, 10 grammes par verre, et c'est ce repère qui est pris pour représenter une unitéd'alcool", explique-t-on avenue de Ségur. (AFP Infos françaises, 27 septembre 2001)

Exemple de la campagne de propagande par l'affichage routier, réalisée par le Haut Comité d'Études et d'Informations sur l'Alcoolisme en 1959-1962. AN 19940020/11.

Par conséquent, le mot "alcool" disparaît progressivement des discours de prévention à la 2nd moitié du XXe siècle.

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