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Aux petits repas hygiéniques

Victoria Afanasyeva

Restaurant de tempérance, 43 rue Saint-Bernard, Paris 11e


À la fin de l'année 1898, un petit restaurant singulier ouvre ses portes dans le quartier ouvrier Sainte-Marguerite. Il est fondé par Paul-Maurice et Maria Legrain, un couple des apôtres de la tempérance, grâce au don de 25.000 francs fait par une femme désirant garder son anonymat (La Réforme du cabaret, p. 103).

Le but de l'établissement est de "nourrir l'ouvrier sainement en ménageant sa bourse" (Le Temps, 13 novembre 1898). En effet, les journalistes constatent les prix très modiques affichés dans le restaurant, et remarquent son caractère familial et confortable et son ambiance privée "de la manie de prédication [antialcoolique]" :

Les organisateurs ont de la bonhomie et laissent les gens tranquilles. (L'Écho de Paris, 30 mai 1899).

Ce sont les affiches coloriées qui trahissent, en quelque sorte, l'intention antialcoolique des fondateurs. Sur les photos ci-dessus, on distingue l'une des affiches les plus célèbres de l'époque, L'Alcool, voilà l'ennemi. En effet, les Legrain espèrent apprendre aux ouvriers à se débarrasser de leur habitude de consommer de l'alcool avant, pendant et après le repas. Néanmoins ils ne sont pas dupes et admettent que certains de leurs clients s'alcoolisent en dehors du restaurant :

S'il est quelques-uns des clients qui prennent l’apéritif avant d’entrer au restaurant des Petits repas hygiéniques, ou absorbent les petits verres en en sortant, ce ne sera probablement toujours que le petit nombre. (L'Économiste français, 4 novembre 1899).

En deux ans, le restaurant sert 80.000 repas. Son espace limité ne permet pourtant d'accueillir que 120 personnes par jour, et les Legrain déplorent l'obligation de refuser régulièrement des clients.


En 1901, les apôtres de la tempérance en France publient une brochure de 130 pages où ils détaillent cette expérience et donnent des conseils aux futurs fondateurs d'établissements de ce genre. La Réforme du cabaret et les restaurants de tempérance est distinguée en 1902 par le prix Carlier de l'Académie des sciences morales et politiques (séance du 9 août 1902).


Voir la photo du restaurant de l'extérieur, datant d'environ 1900, et la vue du local en juillet 2020.


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